La capacité d’apprentissage est probablement la compétence la plus importante que nous puissions avoir.

Pour progresser professionnellement et personnellement, nous devons maîtriser de nombreuses et nouvelles compétences, nous devons les apprendre puis nous en souvenir. Ceux qui savent apprendre ont un énorme avantage sur les autres.

« Nous devons continuer à apprendre et à nous souvenir toute notre vie »

Peter C. Brown, Henry L. Roediger, Mark A. McDaniel
Mets-toi ça dans la tête ! : Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives et des neurosciences

Malheureusement, beaucoup de techniques d’apprentissage que nous apprenons à l’école ou en entreprise ne sont pas utiles pour la mémorisation à long terme, comme le bachotage, la prise de notes sur ordinateur ou le surlignage.

Comment écrire à la main permet-il de mieux apprendre ?

Lorsque j’ai fait une très grosse formation de coaching en 2012, je venais avec mon ordinateur portable et recopiais quasiment tout ce que j’entendais le coach enseignant nous dire. Il m’a demandé d’arrêter de faire cela sans m’expliquer pourquoi. J’ai cherché en ligne et trouvé des études affirmant que les ordinateurs portables sont mauvais pour la prise de notes en raison de toutes les distractions disponibles sur Internet. Je n’allais pas sur Internet pendant ma formation mais disciplinée, j’ai commencé à prendre des notes à la main, c’était le début de mon journal d’apprentissage qui peu à peu a évolué en journal personnel manuscrit.

J’ai longtemps pensé qu’écrire à la main me réussissait autant car je le réservais à mon journal et qu’il me conduisait vers un état d’esprit, une humeur, un territoire différents du reste de la journée où j’écrivais sur mon ordinateur. Mais au fil du temps, j’ai utilisé aussi de plus en plus l’écriture manuscrite pour mon travail, elle me permet de clarifier mon esprit, générer des idées, rester focalisée. Je me demandais parfois pourquoi est-ce qu’écrire à la main continue à m’être aussi bénéfique.

Puis lors les ateliers de journaling, vous êtes de plus en plus nombreux à me demander mon avis sur l’écriture à adopter pour le journal. Aussi je suis allée rechercher des études et des publications.

De nombreux chercheurs et psychologues de l’éducation ont découvert que la prise de notes sur ordinateur portable est moins efficace que la prise de notes à la main pour l’apprentissage et ont documenté les bénéfices de l’écriture manuscrite. Par exemple les psychologues Pam A. Mueller de l’université de Princeton et Daniel M. Oppenheimer de l’université de Californie, Los Angeles, ont réalisé une étude sur l’utilisation des ordinateurs portables pour prendre des notes en classe. Ils ont rapporté que dans les laboratoires et les salles de classe du monde réel, les étudiants apprennent mieux lorsqu’ils prennent des notes à la main que lorsqu’ils tapent sur un clavier ou des tablettes.

En résumé, notre cerveau fonctionne différemment lors de l’écriture à la main et sur clavier : l’écriture engage des parties du cerveau que la frappe néglige, en particulier les zones associées à la formation de la mémoire.

L’écriture à la main est une compétence très complexe, un grand nombre de muscles sont sollicités par le cerveau. Lorsque les adultes écrivent, on observe une activité accrue dans trois zones du cerveau : le gyrus fusiforme gauche, le gyrus frontal inférieur et le cortex pariétal postérieur. Ces zones associées à la formation de la mémoire sont négligées lorsqu’on tape sur son clavier.

Lorsque l’on écrit, on regarde ce que l’on fait, ce qui nécessite de coordonner vue et motricité. Quand on tape, les doigts sur le clavier ne sont pas connectés au regard sur l’écran, le schéma moteur est plus simple.

La frappe est rapide, l’écriture est lente, il faut plus de temps pour écrire à la main que pour taper à la machine. Mais ce frottement supplémentaire, cette reproduction, font travailler notre cerveau plus intensément pour assimiler l’information. Et cet engagement résulte en un meilleur apprentissage.

C’est précisément pour cette raison que l’écriture à la main est mieux adaptée à l’apprentissage. L’écriture est meilleure parce qu’elle ralentit l’apprenant. En ralentissant le processus de prise de notes, on accélère l’apprentissage.

Ce n’est donc pas parce qu’ils sont source de distractions que les ordinateurs portables sont moins efficaces pour la prise de notes et l’apprentissage.

« Lorsque nous écrivons, un circuit neuronal unique est automatiquement activé », a déclaré Stanislas Dehaene, psychologue au Collège de France à Paris. « Il y a une reconnaissance fondamentale du geste dans le mot écrit, une sorte de reconnaissance par simulation mentale dans votre cerveau. »

A contrario, le processus de transcription sur clavier ne nécessite aucune réflexion critique. Ainsi, pendant que nous écrivons les mots sur la page, notre cerveau n’a pas besoin de s’occuper de la matière. Transcrire textuellement un cours est préjudiciable à l’apprentissage.

Ce qui est plus efficace est de reformuler l’information, de résumer les concepts avec nos propres mots, de poser ou de se poser des questions sur ce que l’on ne comprend pas. Ces processus de réflexion et de manipulation, ce travail en profondeur, conduisent à une meilleure compréhension et à un meilleur encodage de la mémoire.

Cela demande plus d’effort que de simplement taper chaque mot mais c’est cet effort qui aide à ancrer la matière dans notre mémoire. Plus nous faisons d’efforts pour comprendre quelque chose, plus nous donnons à notre cerveau le signal fort que cela vaut la peine de se souvenir. Le cas échéant, notre cerveau, qui nous veut du bien !, écartera la matière de notre mémoire par souci d’efficacité. Seul l’effort réel engage les voies motrices du cerveau et apporte les avantages de l’écriture manuscrite en termes d’apprentissage.

« L’apprentissage est plus profond et plus durable lorsqu’il est laborieux. Apprendre facilement, c’est comme écrire dans le sable, ici aujourd’hui et demain. »

Peter Brown, Henry Roediger et Mark McDaniel

Et si on se limite à lire sans prendre de notes ? En écrivant des mots, on crée un souvenir dans le cerveau, on apprend plus vite que quand on les voit uniquement.

Et si on lit et surligne ? Le journaliste scientifique du New York Times Benedict Carey dans son nouveau livre « How We Learn », nous dit que surligner des passages est une perte de temps qui fait du bien. Au lieu de simplement dire à notre cerveau ce qui vaut la peine de se souvenir, nous devons lui montrer ce qui est important. Pour ce faire, il faut utiliser et tester de manière répétée, en tirant parti de ce que les psychologues de l’éducation appellent la « difficulté souhaitable », un principe vérifié empiriquement qui montre que les gens se souviennent mieux lorsqu’ils font un effort mental.
Il faut montrer au cerveau par l’action ce qui vaut la peine de s’accrocher. »

Les recherches montrent qu’un apprentissage qui semble difficile incorpore mieux les connaissances dans votre mémoire, tandis qu’un apprentissage qui semble facile disparaît comme la neige qui tombe sur l’eau.

Cursive ou non, les avantages de l’écriture à la main s’étendent au-delà de l’enfance. Pour les adultes, la dactylographie peut être une alternative rapide et efficace à l’écriture à la main, mais cette efficacité même peut diminuer notre capacité à traiter de nouvelles informations.

Quels sont les bénéfices de l’écriture à la main ?

Apprendre plus vite et mieux

Nous avons vu en détail plus haut comment les neurones reçoivent le stimulus. En ralentissant le processus de prise de notes, nous accélérons l’apprentissage et l’approfondissons.

Générer des idées

Lorsque les enfants composent un texte à la main, non seulement ils produisent systématiquement plus de mots plus rapidement que sur un clavier, mais ils expriment aussi plus d’idées.

Retenir les informations

Le fait d’écrire les faits importants, les concepts, nos pensées nous aide à nous en souvenir plus clairement par la suite, favorise la mémorisation, évite l’oubli épisodique cérébral.

Se contrôler

Le Dr Berninger va même jusqu’à suggérer que l’écriture cursive peut entraîner la capacité de contrôle de soi d’une manière que les autres modes d’écriture ne font pas, et certains chercheurs affirment que cela pourrait même être une voie de traitement de la dyslexie.

Clarifier son esprit

Ecrire à la main nous amène à nous concentrer sur le plus important. Cela nous aide à mieux penser et nous évite de surcharger la mémoire.

Entretenir ses capacités motrices !

Il y a peu de compétences motrices qui relient le corps et le cerveau aussi intimement que l’écriture manuscrite. Les habiletés motrices requises pour l’écriture, combinées à la mémoire à court et à long terme et à l’acquisition du langage, présentent des avantages pour le développement du cerveau avec lesquels peu d’autres activités peuvent rivaliser.

Non seulement nous apprenons mieux lorsque nous mémorisons par l’écriture manuscrite, mais la mémoire et la capacité d’apprentissage en général peuvent en bénéficier.

Si nous écrivons peu, notre écriture manuscrite se détériore, nous écrivons lentement. Cela n’a rien de surprenant. Ce qui l’est plus, c’est que notre belle motricité s’amenuise également si nous renonçons à l’écriture manuscrite au profit du clavier.

Lors d’une expérience, deux groupes d’adultes ont été comparés : un groupe « ordinateur » et un groupe « écriture manuscrite ». Les deux groupes devaient faire une série de petits tests de motricité fine. Dans un des tests, dans lequel il s’agissait de suivre une ligne avec un stylo sans dévier, le groupe « ordinateur » a été bien plus lent que l’autre. Taper plus et écrire moins à la main affecte donc non seulement l’écriture elle-même, mais aussi d’autres compétences motrices de base. Les adultes qui écrivent souvent à la main restent plus précis dans leurs mouvements de bras et de mains que les jeunes.

3 suggestions pour qu’écrire à la main dans votre journal développe vos apprentissages

Créez des pages thématiques

Après la lecture d’un livre, l’écoute d’un podcast ou d’une conférence, vous pouvez prendre un crayon et consacrer une page à écrire vos pensées pour les mémoriser. Ainsi vous les ancrez.

De plus, en reliant une nouvelle idée apprise à ce que vous savez déjà, vous renforcez le nouvel apprentissage, c’est une stimulation cérébrale.

Faites des sessions de questions-réponses

Trouver vos propres réponses manuscrites avant éventuellement d’en parler à notre partenaire personnel ou professionnel vous permet de mieux connaître vos idées, vos intentions et vous prépare à des conversations plus fructueuses.

Reflétez sur un évènement ou une période.

Les chercheurs de la Harvard Business School ont trouvé que l’écriture réflexive est super puissante. Quinze minutes de réflexion écrite seulement à la fin de la journée ont permis d’augmenter les performances de 23 % pour un groupe d’employés.

C’est le bon moment pour vous éloigner de votre clavier ou de votre écran !